En partenariat avec The Starfish Canada

Peut-être connaissez-vous le fameux constat selon lequel l’humanité consomme annuellement plus de ressources que ce que la Terre peut fournir, et que ce déséquilibre s’aggrave davantage chaque année. Peut-être savez vous également que les droits fondamentaux des personnes qui fabriquent les produits que l’on consomme ne sont pas toujours respectés, et que le travail forcé,  l’esclavage moderne et le travail des enfants sont toujours des réalités en 2023.

Devant ces faits, il est impératif que les entreprises manufacturières réduisent l’impact environnemental et social de leurs produits. Cependant, plusieurs obstacles se dressent devant la réalisation de cet objectif. Pourquoi est-ce si difficile pour une entreprise responsable de passer de la parole aux gestes ? Et quelles solutions peuvent être mises en place, par les entreprises mais aussi par les individus, le gouvernement et la société civile, pour surmonter ces obstacles ?

Les défis de la production responsable

Trois principaux défis se présentent pour les entreprises manufacturières qui souhaitent adopter un comportement responsable : le manque de connaissances, les coûts plus élevés et la complexité des chaînes d’approvisionnement.

D’une part, les entreprises manquent souvent d’information concernant les impacts environnementaux et sociaux de leurs produits tout au long de leur cycle de vie, c’est-à-dire de l’extraction des ressources naturelles utilisées dans leur fabrication jusqu’à la fin de leur vie utile (Sheldrick, 2013). Ces impacts incluent, par exemple, la consommation d’eau et d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre, la production de déchets et les conditions de travail des personnes impliquées. Ces impacts sont nombreux et variés, ce qui rend difficile l’évaluation globale de la performance du produit, qui s’apparente à comparer des pommes et des oranges. Les entreprises doivent donc effectuer des choix stratégiques pour déterminer quels aspects doivent être améliorés en priorité, mais la méconnaissance des impacts rend la démarche difficile à entreprendre.

De plus, la recherche de solutions durables peut s’avérer complexe en raison du nombre important d’acteurs impliqués dans la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises doivent souvent collaborer avec de nombreux partenaires et fournisseurs répartis dans différents pays et régions. Chacun de ces acteurs possède ses propres pratiques en matière de gestion environnementale et sociale, ce qui rend difficile la supervision et le contrôle de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Enfin, les entreprises responsables font face à des coûts plus élevés pour mettre en œuvre des pratiques durables et éthiques, notamment en termes de matériaux, d’énergie et de main-d’œuvre. Pendant ce temps, leurs concurrents qui ne tiennent pas compte du véritable coût des ressources naturelles et du commerce équitable peuvent proposer des produits à  bas prix, sans se soucier des conséquences sur l’environnement et sur les communautés locales. Dans un marché où la compétitivité est souvent basée sur le prix, les entreprises responsables se retrouvent ainsi désavantagées.

Solutions pour des produits respectueux de la planète et de ses habitant·e·s

Parmi les différentes solutions pour surmonter les défis liés à la production responsable, l’écoconception occupe une place centrale. L’étape de la conception détermine 70-80 % du coût économique total d’un produit (même si elle ne représente à elle-même que 5-7 % du coût total), et on peut supposer qu’il en va de même pour les impacts environnementaux et sociaux (Ramani et al., 2010). L’écoconception consiste donc à viser dès le début à créer un produit utile et durable, à minimiser l’impact de sa production et à s’assurer qu’il est fabriqué éthiquement. De plus, l’écoconception s’avère souvent rentable, c’est-à-dire qu’elle génère des économies plutôt que des coûts, permettant aux entreprises de surmonter l’enjeu du désavantage concurrentiel (Haned et al., 2014). 

Par exemple, Veja, une entreprise de chaussures responsable, a développé sa running Condor en adoptant l’écoconception et en privilégiant des matériaux écologiques et durables. Herman Miller, fabricant de meubles, illustre également cette approche avec sa chaise Setu, qui offre une multitude de fonctions à la fois. 

La collaboration entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement est également cruciale pour surmonter les défis liés aux impacts le long du cycle de vie (Schäfer et Löwer, 2021). En développant des partenariats solides et en partageant les connaissances et les bonnes pratiques, les entreprises peuvent travailler ensemble pour améliorer les normes environnementales et sociales dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les grandes entreprises, en particulier, ont un pouvoir d’influence significatif sur leurs fournisseurs, et leur engagement en faveur de la durabilité peut avoir un impact considérable sur l’ensemble du secteur. Reformation, une compagnie de vêtements responsable, en est un exemple, collaborant étroitement avec ses fournisseurs pour s’assurer que ses produits respectent des normes élevées en matière de durabilité et d’éthique. Pour la société civile, cela veut dire que de faire pression sur les grandes entreprises et les multinationales est une façon stratégique d’influencer un grand nombre d’acteurs.

Enfin, la réglementation gouvernementale joue un rôle essentiel pour uniformiser les règles du jeu et encourager la production responsable dans toutes les entreprises en visant à instaurer des normes environnementales et sociales strictes. En Allemagne, la réglementation REACH vise à protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques et force les entreprises à collaborer avec leurs fournisseurs. En France, le devoir de vigilance oblige les grandes entreprises françaises à identifier, prévenir et atténuer les impacts négatifs potentiels de leurs activités. Pour se conformer à la réglementation, les entreprises doivent évaluer les pratiques de leurs fournisseurs en matière de droits humains et d’impact environnemental, et mettre en place des mesures correctives lorsque des problèmes sont identifiés. La réglementation des marchés est potentiellement la solution la plus importante à mettre en œuvre, puisque sans elle, il y aura toujours un joueur qui tentera de gagner des parts de marché en surexploitant les ressources et les personnes, annihilant ainsi les conditions de marché permettant aux entreprises responsables d’exister.

En conclusion, les enjeux de la production responsable sont considérables, mais pas insurmontables. Dans ce contexte, il est crucial de reconnaître les différents rôles que chacun·e peut jouer pour inciter les entreprises à adopter des pratiques durables et responsables. En tant que consommateur·trice, nous pouvons soutenir les entreprises responsables en choisissant consciemment des produits écologiques et éthiques. En tant que citoyen·ne, nous pouvons plaider pour une réglementation gouvernementale plus stricte et exiger des entreprises qu’elles soient tenues responsables de leurs actions. En tant qu’employé·e, nous pouvons encourager nos employeur·e·s à adopter des pratiques écologiques et socialement responsables. En tant qu’investisseur·e·s, nous pouvons soutenir les entreprises qui placent la durabilité et l’éthique au cœur de leur modèle économique.

Surtout, il est important de garder en tête que le produit le plus responsable est celui qui n’est jamais produit ni consommé. Nous devons tous nous efforcer de réduire notre consommation avant tout. Collectivement, il faudra cesser d’orienter le développement autour de la croissance économique et commencer plutôt à penser à redistribuer les richesses et les ressources entre ceux qui surconsomment et ceux qui n’ont pas assez pour vivre décemment.

Cet article portant sur l’Objectif de développement durable (ODD) 12 “Consommation et production durables” est une collaboration avec Alliance 2030, une organisation qui vise à aider le Canada à atteindre les ODD des Nations Unies.

BIBLIOGRAPHIE

Haned, N., Lanoie, P., Plouffe, S., & Vernier, M.-F. (2014). La profitabilité de l’écoconception : Une analyse économique. Institut de développement de produit (Québec) et Pôle Éco-conception et Management du Cycle de Vie (France). https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/rapport_profitabilite-ec-2014_web.pdf

Ramani, K., Ramanujan, D., Bernstein, W., Zhao, F., Sutherland, J., Handwerker, C., Choi, J.-K., Kim, H., & Thurston, D. (2010). Integrated Sustainable Life Cycle Design : A Review. Journal of Mechanical Design, 132. https://doi.org/10.1115/1.4002308

Schäfer, M., & Löwer, M. (2021). Ecodesign—A Review of Reviews. Sustainability, 13(1), Article 1. https://doi.org/10.3390/su13010315

Sheldrick, L., & Rahimifard, S. (2013). Evolution in Ecodesign and Sustainable Design Methodologies. In A. Y. C. Nee, B. Song, & S.-K. Ong (Éds.), Re-engineering Manufacturing for Sustainability (p. 35‑40). Springer. https://doi.org/10.1007/978-981-4451-48-2_6

Cette initiative est financée par le programme des objectifs de développement durable du gouvernement du Canada.