Par Chúk Odenigbo
Les objectifs de développement durable (ODD) tentent de mettre le monde entier sur la même page de façon audacieuse pour que chaque pays puisse offrir une meilleure qualité de vie à leurs citoyennes et leurs citoyens, peu importe les circonstances ou le lieu de leur naissance. Décrit comme « une marche à suivre », l’Organisation des nations unies s’est démontrée osée avec la décision de fixer des objectifs pour le monde dans son ensemble, puisque les particularités au sein d’un seul pays sont parfois bouleversantes, sans parler de l’échelle mondiale. Les ODD reconnaissent le fait que nous partageons une même planète et qu’afin de viser un meilleur avenir, il faut avancer ensemble.
Ayant chacun leur propre thème, les ODD restent ouverts à l’interprétation et à l’adaptation pour répondre au mieux aux besoins des différents pays. Ces objectifs sont malléables et souples, tout en gardant leur caractère; ce qui est très important, car c’est seulement en étant adapté par et pour le pays hôte que les ODD se voient accorder leur vraie valeur. Quand nous pensons en matière de la durabilité de l’environnement au Canada, la première question qu’il faut se poser est quelle est sa signifiance dans un contexte canadien et quelles sont les barrières qui nous empêchent d’y arriver à l’intérieur de nos frontières?
Faisant partie intégrale de presque chaque ODD, la durabilité de l’environnement est un casse-tête que nos structures sociétales et politiques ont du mal à adresser de manière efficace et compréhensible au grand public. Ces systèmes et structures s’impliquent dans le concept de temporalité où nous, comme pays, regardons souvent le passé et le présent, mais rarement le futur.
Nous affrontons encore les effets de notre histoire coloniale et les institutions racistes et sexistes qui ont promu la discrimination linguistique et ethnique. Nous fêtons encore les Canadiennes et les Canadiens du passé qui ont fait des actions héroïques ou des découverts formidables. Quand nous votons, nous pensons aux enjeux d’aujourd’hui : quelle candidate ou quel candidat prétend capable de régler les problèmes qui existent maintenant? De même, nous songeons au bon vieux temps : qui affirme de rétablir l’héritage du passé? Nos indicateurs de réussite sont transversaux, ils n’évaluent que ce qui se passe actuellement et font une comparaison avec ce qui s’est passé.
Mais ignorons-nous l’avenir? Pourquoi nous ne demandons pas des excuses pour les injustices auxquelles les générations futures auront besoin de faire face à cause de nos actions ou inactions actuelles? Une citation bien connue d’un chef nigérian raconte la composition du monde comme ayant plusieurs aïeuls et aïeux, quelques vivantes et vivants, et une population infinie à naître. La durabilité de l’environnement est définie par l’obligation envers les générations futures afin d’assurer qu’elles obtiennent au moins le même niveau de ressources environnementales/de la nature que la génération qui les précède. La durabilité de l’environnement est une notion qui réside fortement dans l’avenir, tout en touchant le présent sans nier le passé. Voilà donc le problème : notre culture, nos systèmes, nos structures s’identifient toujours dans l’actualité ou le passé, mais ils ne sont pas formés de conceptualiser, de mesurer ou d’agir sur le futur ou les notions futuristes.
Nous n’élisons pas des leaders qui vont créer un meilleur monde quand nous ne sommes plus là. À la place, nous préférons celles et ceux qui vont cocher notre sentiment de nostalgie des beaux éléments du passé, ou celles et ceux qui vont compter avec les problèmes qu’on observe au présent. Or, avons-nous une obligation envers la population d’ici 50, 100 ou même 1000 ans de mettre en place un leadership qui fera des décisions qui vont les toucher? Le leadership canadien, représente-t-il toutes et tous les Canadiennes et les Canadiens, dont celles et ceux qui ne sont pas encore vivant.e.s, mais qui seront ici un jour prochain?
Le mouvement environmental fait souvent allusion au passé avec le profond désir pour la nature vierge, jamais touchée par l’humanité. Cependant, plusieurs dans le domaine de l’environnement ont commencé de poser des questions à propos de cet état d’esprit. À la lumière de la reconnaissance de l’anthropocène, une ère où les êtres humains sont la plus grande force de changement sur la planète Terre, certaines et certains écologistes plaident pour une nature en santé, diversifiée et abondante au moyen de la conservation post naturelle.
Qu’est-ce que ça veut dire? En bref, la conservation post naturelle avance l’idée qu’il n’existe pas de nature vierge et que ce n’est plus possible de dissocier l’activité humaine de la nature/de l’environnement. Par conséquent, il faut repenser notre compréhension de la nature et comment agir pour la sauver. Au lieu de faire référence au passé avec la nostalgie, ou au présent avec le désespoir, Erle C. Ellis, par exemple, dit que « la seule limitation dans la création d’une planète dont les générations futures seront fières est notre imagination et nos systèmes sociaux. En nous dirigeant vers un meilleur anthropocène, l’environnement sera ce que nous en ferons. »
La durabilité de l’environnement affecte chaque ODD : la protection de la biodiversité (objectifs 14 et 15); la conservation des services écosystémiques (objectifs 2, 6, 7, 11 et 12); l’amélioration de la santé des populations (objectif 3); le droit de l’accès aux espaces verts (objectifs 1 et 5); pour n’en citer que quelques-uns. Car nos sociétés s’entrelacent si étroitement avec la nature/l’environnement et que l’environnement englobe tout, il serait impossible de faire du progrès sans des institutions efficaces et responsables (objectif 16) et des partenariats pluridisciplinaires entre des actrices et des acteurs de plusieurs domaines, du secteur privé et des organismes communautaires (objectif 17).
Au fur et à mesure que nous cherchons des façons à incorporer l’avenir dans notre culture, dans nos actions, dans nos systèmes et dans nos indicateurs de réussite, nous trouverons que la durabilité de l’environnement sera plus facilement intégrée dans notre société et dans nos structures, car nous serions dans un état d’esprit et dans un état d’être qui nous permettront d’exercer pleinement toute la latitude du concept dans sa forme la plus pure et la plus puissante. Autrement dit, la durabilité de l’environnement est un concept qui s’axe sévèrement sur l’avenir et par conséquent, c’est seulement avec les systèmes et les indicateurs qui sont orientés vers l’avenir qu’on peut espérer de l’aborder.
“On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérance.”
― Napoléon Bonaparte