Par Sebastian Leck
Jusqu’alors plus ou moins considérée comme une sorte de banque à but non-lucratif, la Fondation communautaire London est en train de se transformer en un véritable catalyseur de changements dans sa communauté.
Comme toutes les fondations communautaires, CFL verse les dons dans un fonds de dotations et utilise ensuite les intérêts pour offrir des subventions aux organismes locaux. Récemment, la fondation a commencé à intégrer les objectifs de développement durable (ODD) – ambitieux agenda des Nations Unies- , à ses façons de faire, que ce soit pour octroyer des subventions, mener des recherches ou organiser des événements avec la communauté.
« Je ne crois pas que c’est quelque chose que nous aurions fait il y a dix ans parce que nous étions alors ‘hyper-locaux’, admet Martha Powell, présidente-directrice générale de CFL. Les frontières de ce que nous définissions comme une communauté ne cessent de s’étendre. Nous faisons vraiment partie d’une communauté internationale. »
Comme des dizaines d’autres communautés à travers le Canada, les subventions sont l’élément vital des organismes à but non-lucratif de London. Au cours de la dernière année, CFL a notamment investi dans des programmes de logement pour les itinérants et les vétérans, une clinique dentaire à coûts réduits et des services de consultation d’urgence en santé mentale sur les campus universitaires. Ces investissements ont porté fruits, et la Fondation poursuivra donc son soutien envers ces initiatives.
La Fondation publie un rapport Signes vitaux, qui prend le poul de la communauté, à chaque deux ans. Pour son rapport 2018, CFL s’est fondé sur les ODD pour créer une cartographie des enjeux prioritaires de London, soit la santé, le logement, l’équité, l’emploi, le développement durable, l’éducation et le sentiment d’appartenance.
Le rapport fait état de résultats décevants. Près de la moitié de la population londonienne consacre plus de 30 % de son budget au logement. Plus de 70 000 vivent sous le seuil du faible revenu. Avec un taux de population active de 60,5 %, London termine en queue de peloton au classement de la province. « Nous avons lancé le rapport juste avant les élections municipales afin de s’en servir comme un outil de mobilisation et d’engagement citoyen, explique Vanessa Dolishny, directrice des communications à CFL. C’est une façon d’encourager le leadership de la communauté, de provoquer le débat. »
L’initiative de CFL a attiré l’attention : d’autres organismes à but non-lucratif ont voulu savoir comment intégrer les ODD à leurs activités. « Toutes sortes de gens nous ont appelé après le lancement de Signes vitaux, de la Western University jusqu’à de petites paroisses. Ils nous disaient : ‘Comment pouvons-nous embarquer dans le projet?’ », raconte Dolishny.
CFL a inspiré la naissance de nombreuses initiatives fondées sur les ODD. Par exemple, le London City Symposium, une série de conférences semblables au TED Talks, qui s’articule autour des objectifs des Nations Unies. L’organisme Pillar Non-Profit a aussi commencé à utiliser les ODD comme cadre de travail.
La fondation expérimente également de nouvelles façons de mesurer les impacts sociaux, toujours selon les ODD. Un groupe d’étudiants au MBA de la Ivey Business School a développé un système qui mesure l’impact social potentiel des projets.
Khahn Lam, membre de l’équipe, croit que cet indicateur permet une évaluation plus objective. Selon lui, la fondation peut compter sur des méthodes solides pour mesurer la gouvernance et l’aspect budgétaire des projets, mais l’évaluation des impacts sociaux est beaucoup plus difficile.
« Le processus pour évaluer l’impact social, et les décisions financières qui en dépendent, sont, essentiellement, fondés sur le ‘cas par cas’ », remarque Lam. L’équipe de Ivey a identifié des indicateurs liés à chacun des 11 objectifs de développement durable. Elle utilise ensuite les données de Statistiques Canda pour estimer l’impact social futur du projet. « Nous pouvons maintenant commencer à avoir des discussions plus nuancées autour des projets que nous souhaitons, ou non, financer », dit-il.
CFL organise aussi des Échanges vitaux sur des enjeux prioritaires liés aux ODD, tels que la pauvreté, les changements climatiques, la santé et le logement. La première Échange vitaux a porté sur le sentiment d’appartenance à London. Sept panelistes y ont participé, dont Martin McIntosh, directeur des relations avec la communauté au Regional HIV/AIDS Connection (RHAC).
McIntosh a témoigné du sentiment d’isolement vécu quand sa famille a émigré des Caraïbes au Canada en 1978, ainsi que de la marginalisation dont il a souffert comme homme gai. « C’est une longue histoire, mais je vais vous raconter comment elle s’est terminée. Elle s’est terminée avec du ‘crystal meth’ à tous les jours. »
« Ça m’a amené dans la grande noirceur… Je me demande parfois ce que ça aurait été si un organisme comme le RHAC avait alors existé, un organisme qui agit comme un refuge pour les jeunes, une sorte de ‘garde-robe ouvert’, où ils peuvent explorer leur sexualité et être, tout simplement, eux-mêmes. »
Après la discussion, les organisateurs de l’événement ont demandé aux participants comment la communauté, et chacun d’entre eux, à titre individuel, pouvait s’attaquer à ces enjeux.
En intégrant les ODD à ses façons de faire, que ce soit en matière de recherche, de subventions ou d’événements, CFL souhaite que les Londoniens deviennent de plus en plus ouverts sur le monde…
« De plus en plus, nous nous rendons compte que pour créer des changements à l’échelle mondiale, nous devons créer des changements à l’échelle locale, résume Powell. Notre travail n’est pas limité à ce qui se passe à London, Ontario. »